Saint-Augustin-de-Desmaures,
le 22 juillet 2020
Le Greffe
Le
Conseil local du patrimoine
200
route de Fossambault
Saint-Augustin-de-Desmaures
G3A
2E3
Objet
: Citation
patrimoniale de la maison du 226 chemin de la Butte
Transmission du mémoire
présenté par les propriétaires
À qui
de droit,
Vous trouverez ci-attaché notre mémoire s'opposant à la citation patrimoniale de notre maison. Étant donné les conséquences de cette citation et afin d'élaborer notre document, nous avons consulté une avocate.
Vous savez, cette maison nous l'avons littéralement sauvée d'une destruction certaine lorsque nous en sommes devenus propriétaires en 1981. Par nos travaux incessants depuis les 39 dernières années, nous l'avons progressivement rénovée pour l'amener à son état d'aujourd'hui. Elle est à notre goût, strictement à notre goût.
Votre intention de la citer pourrait, à la limite, être presque flatteuse si votre intervention n'était pas si outrageusement insultante.
Nous vous saluons.
Ginette Chamberland
Normand Toussaint
226 chemin de la Butte
Saint-Augustin-de-Desmaures, Qc
G3A 1W7
Conseil
local du patrimoine
Municipalité
de Saint-Augustin-de-Desmaures
Consultation
publique sur la citation patrimoniale
de la
maison située au 226 chemin de la Butte
à
Saint-Augustin-de-Desmaures
Mémoire
présentée par les propriétaires
Ginette
Chamberland et Normand Toussaint
22
juillet 2020
Mémoire des propriétaires dans
le cadre de la consultation publique sur la citation de la maison située au 226
chemin de la Butte à Saint-Augustin
Membres du Conseil local du patrimoine,
Nous avons acquis la propriété
située au 226 chemin de la Butte en 1981. Elle est en zone agricole au sens de
la loi sur la protection des territoires agricoles du Québec. Depuis 39 ans,
nous avons eu le souci de rénover la maison qui était au départ en bien mauvais
état, n’avait aucun cachet patrimonial et n’était d’aucun intérêt public pour
la collectivité de Saint-Augustin-de-Desmaures.
Depuis 39 ans, aucune de nos
actions n’a menacé le patrimoine de Saint-Augustin. Au contraire, en rénovant
notre maison, nous avons démontré notre intérêt pour l’architecture
traditionnelle.
Imaginez notre étonnement
lorsque le 18 juin 2020 un huissier nous délivre un avis officiel qui nous
informe que la municipalité avait entrepris un processus réglementaire pour
nous contraindre dans l’avenir. Si ce règlement est adopté, nous ne
bénéficierons plus, comme tous les autres citoyens, de la pleine jouissance libre
et paisible de notre propriété privée.
Comme la plupart des membres
du Conseil, nous sommes conscients que le Québec a un riche patrimoine. Nous
sommes conscients que certains immeubles méritent de recevoir un statut
particulier. Mais la question est : Est-ce que notre maison mérite ce
statut et surtout, pourquoi maintenant, après 39 ans, nous imposer des règles
d’urbanisme supplémentaires?
Merci de nous donner l’opportunité
de vous présenter nos commentaires et d’apporter des nouvelles informations qui
vous permettront, nous l'espérons, de questionner la pertinence de citer notre
maison actuellement. Nous vous rappelons que nous n'avons jamais été invités à
collaborer à cette démarche de reconnaissance de notre maison comme un bien
patrimonial d’intérêt public, ni à l’étape des inventaires, ni à celle de la
recherche ou même de la sensibilisation.
1. Les faits
1.1 Travaux d’agrandissement
de l’annexe.
Dans la continuité des travaux
entrepris depuis 1981, nous avons entamé ce printemps quelques travaux mineurs
sur l’annexe qui ne nécessitaient pas de permis de construction. Après avoir
pris connaissance de l’état de la structure, nous avons décidé de changer nos
plans et de procéder à une rénovation plus importante.
Nous déposons donc une demande
de permis de construction le 25 mai 2020. Notre demande de permis est
substantiellement complète et conforme à la réglementation en vigueur. Un plan
est joint. Nous recevons la visite du personnel de la municipalité qui nous
confirme que le tout est conforme. Ils ajoutent qu’ils nous fourniront quelques
conseils et nous font quelques suggestions mineures.
Le 18 juin, nous recevons l’avis
spécial en vertu de l’article 129 de la Loi sur le patrimoine culturel qui nous
informe de l’intention de la municipalité de procéder à la citation patrimoniale
de notre maison familiale.
Le 25 juin, monsieur Després
nous envoie une demande de la part du service d’urbanisme concernant notre
agrandissement. Cette demande va bien au-delà des exigences du règlement
d’urbanisme. Nous
vous laissons le soin d’en juger :
Le service d'urbanisme nous
demande de fournir : un projet d'implantation plus précis et à l'échelle
qui illustre le bâtiment existant, l'agrandissement ainsi que les distances
projetées entre l'agrandissement et les limites de la propriété; des plans
d'architecture et/ou des esquisses architecturales comprenant minimalement les
éléments suivants: des élévations en couleur qui montrent la partie existante
et l'agrandissement projeté, l'usage de l'agrandissement (vue en plan), les
détails au niveau des portes et fenêtres, des chambranles, du revêtement de
toiture, du revêtement extérieur, de la fondation et du support utilisé pour
les gouttières ainsi que la pente de toit du bâtiment existant et de
l'agrandissement.
Vous comprendrez qu’on nous
impose dès lors l’application du règlement de citation. Le courriel est clair. Nous
pouvons y lire : ''qu’il s’agit de l'avis de 45 jours prévu à l'article
8 du projet de règlement de citation et que ces documents doivent impérativement
être fournis à la Ville avant de passer à la prochaine étape, soit l'évaluation
de votre projet par le conseil local du patrimoine.''
Bref, on tente de nous imposer
ce règlement avant même son entrée en vigueur légal. Vous n’êtes sans doute pas
sans savoir que le règlement de citation de notre maison, s’il est adopté,
entrera en vigueur au moment de l’émission de l’avis spécial soit le 18 juin. La
loi est claire :
4. Le règlement de citation
d’un bien patrimonial entre en vigueur:
2° à compter de la date de la notification de
l’avis spécial aux propriétaires de l’immeuble patrimonial cité ou aux
propriétaires des immeubles situés dans le site patrimonial cité.
Cependant, ce gel ne
s’applique pas aux demandes de permis qui ont été déposé avant. Nous vous
rappelons que notre demande de permis a été déposée le 25 mai.
La concomitance entre notre
demande de rénovation et l’avis de citation de notre maison n’est pas un
hasard.
Permettez-nous
de constater que c’est une mauvaise réponse à notre demande
de permis.
1.2 Valeur patrimoniale
1.2.1 Les éléments
Les éléments qui contribuent à
évaluer la valeur patrimoniale d’une maison sont :
-
le style d'architecture,
- -ses composantes architecturales et ornementales
(volumétrie, toit, lucarne, fenêtre, revêtement, matériaux, couleur, usage, annexes),
- - son authenticité,
- - son état de conservation,
- - son histoire,
- - son implantation dans le paysage,
- - son environnement physique.
1.2.2 La maison du 226 chemin de
la Butte
En 1981, après avoir fait
l'achat de notre propriété, nous avons contacté le ministère de la culture
chargé de l'évaluation patrimoniale des maisons afin qu'un expert vienne
visiter la nôtre et statue sur sa possibilité de classement ou autre. Un expert
est effectivement venu nous rencontrer, a examiné la maison, s'est forgé une
opinion qu’il nous a livré verbalement. La maison était ''bien belle'' mais
dans un état près de la perdition. Aucun intérêt et aucune possibilité de lui accorder
une valeur patrimoniale justifiant un statut.
En 1984, un premier inventaire
décrit les éléments architecturaux de la maison et lui attribue une valeur
patrimoniale très bonne, mais non exceptionnelle, du type franco-québécois du
19e siècle.
En 2017, un deuxième
inventaire décrit la même maison, mais cette fois en considérant les travaux
que nous avons effectué au cours des ans. La maison est qualifiée d’inspiration
française. On lui attribue une valeur patrimoniale exceptionnelle. Mais sur
quelle base, pour quels motifs, selon quels critères? L’analyse ne semble pas
reposer sur une démarche ethnologique complète. Comment expliquer qu’elle est
passé d’un type franco-québécois à un style du régime français?
De plus, il appert qu’aucun
personnage historique ou événement marquant ou emblématique de l’histoire de
Saint-Augustin ne se rattache à la maison.
Le site ne présente aucune
valeur archéologique, ni ethnologique ou technologique.
Les composantes architecturales
observés sont clairement issues des travaux de rénovation effectués par les
propriétaires depuis 39 ans. Toute la coquille extérieure de la maison de 1981 a
été modifiée et agrandie. Tous les matériaux extérieurs de la maison de 1981 et,
à plus forte raison, de 1832 ne sont pas d'origine et ont tous été remplacés.
Si l’inventaire de 2017, sur
lequel repose les motifs de citation, conclue à une quelconque valeur, elle est
le résultat des efforts manuels et financiers des propriétaires actuels.
Permettez-nous de constater
que c’est nous qui avons contribué à l’amélioration de son apparence.
2. La loi
2.1 Loi du patrimoine culturel
Le principe de cette loi,
relativement récente dans sa forme actuelle, est de permettre aux municipalités
de reconnaître les éléments patrimoniaux d’intérêt public significatif sur leur
territoire local, d'en assurer la protection, de les mettre en valeur et de
sensibiliser la population.
''Favoriser la connaissance,
la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel
reflet de l’identité de la collectivité dans une perspective d’intérêt public
et de développement durable.''
Le processus d’attribution
d’un statut en vertu de la loi sur le patrimoine culturel doit s’inscrire dans
une démarche où la municipalité élabore une stratégie visant la conservation et
la mise en valeur de son patrimoine.
Avant d’attribuer un statut à
une maison en particulier, la municipalité n’a-t-elle pas un devoir de
transparence, de collaboration avec les propriétaires?
Chose certaine, la
municipalité doit prendre les moyens pour assurer un suivi, prendre les mesures
pour sensibiliser les citoyens, et les propriétaires en premier lieu, voire
mettre en place un soutien financier.
2.2 Règlement municipal
La procédure suivie par la
municipalité semble conforme. Mais reflète-t-elle l’esprit de la loi?
Il y a un manque
d’information. Une attitude cavalière envers les propriétaires en faisant
signifier l’intention de procéder à la citation patrimoniale de la maison en
envoyant un huissier.
Les principes derrière le
pouvoir réglementaire accordé à la municipalité n’est certes pas une attitude
rigide qui édicte des décisions draconiennes en soulevant l’opposition et les
réactions négatives des citoyens. Au contraire, la loi vise la sensibilisation,
l’information, la connaissance, le développement d’un sentiment d’appartenance.
Par ailleurs, l’application de
ce règlement repose sur des critères subjectifs contrairement à la plupart des
règlements d’urbanisme. Pour ce faire, la municipalité doit démontrer sa
capacité à sensibiliser et à conseiller les propriétaires tant sur les éléments
architecturaux, que sur le choix des matières acceptables, sur l’entretien, sur
l’élaboration d’un projet. Les documents présentés et les gestes posés dans ce
dossier illustrent une faille en ce sens.
Ce pouvoir réglementaire limite
la liberté de la propriété privée au nom de l‘intérêt collectif. Il doit être
usé de façon diligente.
Nous nous questionnons néanmoins
à savoir si tous les critères de la loi sont rencontrés et suffisants,
c’est-à-dire : est-ce que l’immeuble a une réelle valeur patrimoniale
significative et d’intérêt public et est-ce que la maison est située dans une
zone à protéger?
Espérons que l’intention de la
municipalité n‘est pas de nous imposer de façon détournée une forme de spot
zoning.
3. Commentaires
3.1 Authenticité et type
architectural
Il appert que la maison tel
que vous la voyez, n’est pas authentique. C’est le fruit de nos 39 ans de
travaux de rénovation. Nous allons réutiliser les mots de l’expert en
évaluation du patrimoine en 1981 : Elle est belle, mais elle n’est pas
authentique et bien près de la perdition.
De plus, elle n’est pas un
exemple du régime français. C’est une maison qui date du régime anglais et qui
témoigne d’un style franco-québécois, comme le qualifie l’inventaire de 1984.
Comme il y a ailleurs sur le territoire de la municipalité.
Ce n’est sûrement pas non plus
un des rares modèles du régime français à Saint-Augustin ou l’une des plus
vieilles. Rappelons que Saint-Augustin a été colonisé à partir de 1647 et la
maison date de 1832.
3.2 Implantation et Paysage
La maison ne fait pas partie
du paysage patrimoniale de Saint-Augustin pour la simple et bonne raison
qu’elle n’est pas visible de la route.
Comme elle est entourée de
constructions modernes hétéroclites, on ne peut lui attribuer une valeur
extrinsèque élevée.
Il est difficile de comprendre
comment sa localisation sur une ''butte'' pourrait lui valoir une valeur
exceptionnelle. Tout comme le fait qu’elle serait située sur une partie du
domaine des pauvres, domaine qui s’étendrait du nord de l’autoroute 40 jusqu’au
fleuve.
Ainsi, notre maison ne
favorise pas la qualité visuelle du patrimoine architecturale de
Saint-Augustin.
3.3 Intérêt public et
sentiment d’appartenance
Le document de présentation ne
fait état d’aucun contexte particulier significatif pour la collectivité de
Saint-Augustin qui justifie de restreindre les droits de propriété au nom de
l’intérêt public.
Aucune référence
bibliographique ou iconographique ne témoigne de l’importance de cet immeuble
pour la collectivité.
Au contraire, le guide de la
municipalité ''Le patrimoine bâti résidentiel,'' publié en 2018, ne fait aucune
référence à notre maison. En effet, il n’y a aucune mention de l’authenticité
de la maison dans le texte. Aucune photo d’ensemble de la construction ou de
l’une de ses composantes architecturales n'illustrent le document. La maison n’est
pas citée en exemple et, partant, pas potentiellement candidate à l’obtention
d’un statut de protection et de mise en valeur patrimoniale.
Recommandations
Nous estimons que le règlement
de la citation de la maison du 226 chemin de la Butte est prématuré. Il n’y a
pas d’urgence. Il n’y a pas menace d’altération de la maison. Nous avons
démontré depuis 39 ans notre capacité à mettre en valeur l’architecture traditionnelle.
Pour votre information, nous avons déjà été membres de l'Association des Propriétaires
de Maison Anciennes du Québec.
Les motifs qui concluent à son
adoption sont mal fondés. Le règlement s’appuie sur un inventaire incomplet,
voire erroné. Aussi, même le guide sur le patrimoine bâti résidentiel de
Saint-Augustin l’ignore. Ce document de sensibilisation au patrimoine local
aurait dû reconnaître son potentiel si c’était le cas. Alors, nous réitérons
que la démarche de citation du patrimoine n’est pas justifiable. Les conditions
ne sont pas remplies.
De plus, il ne s’inscrit pas,
comme il devrait, dans une démarche globale de sensibilisation de la population
à son patrimoine. Aucune stratégie de préservation et de mise en valeur n’a
impliqué et sensibilisé les propriétaires actuels. Les conséquences de la
citation pour les propriétaires ne sont pas énoncées, outre les pénalités du
non-respect de la réglementation, qui s’appuiera sur l’application d’objectifs
subjectifs discrétionnaires, voire arbitraires. Mais qu’en sera-t-il de la
valeur de la propriété à sa revente ? Quelles seront les conséquences
financières associées aux conditions d’attribution des permis ?
La démarche semble viser un
objectif occulte soit de nous empêcher, nous les propriétaires, de faire les
travaux à notre propriété privée auxquels nous avons droit en fonction de la
réglementation d’urbanisme en vigueur.
Nous nous opposons aussi à
l'inclusion du lot 2 814 313 dans le projet de citation. En quoi ce terrain
serait-il patrimonial ?
Merci de votre diligence.
Ginette
Chamberland
Normand
Toussaint