mercredi 16 septembre 2020

Article 45 - Mémoire présentée à la ville de Saint-Augustin-de-Desmaures lors de la séance publique du 22 juillet 2020.

 

Saint-Augustin-de-Desmaures, le 22 juillet 2020

 

Le Greffe

Le Conseil local du patrimoine

200 route de Fossambault

Saint-Augustin-de-Desmaures

G3A 2E3

 

 

Objet :               Citation patrimoniale de la maison du 226 chemin de la Butte

                          Transmission du mémoire présenté par les propriétaires

 

 

À qui de droit,

Vous trouverez ci-attaché notre mémoire s'opposant à la citation patrimoniale de notre maison. Étant donné les conséquences de cette citation et afin d'élaborer notre document, nous avons consulté une avocate.

Vous savez, cette maison nous l'avons littéralement sauvée d'une destruction certaine lorsque nous en sommes devenus propriétaires en 1981. Par nos travaux incessants depuis les 39 dernières années, nous l'avons progressivement rénovée pour l'amener à son état d'aujourd'hui. Elle est à notre goût, strictement à notre goût.

Votre intention de la citer pourrait, à la limite, être presque flatteuse si votre intervention n'était pas si outrageusement insultante.

Nous vous saluons.

  

Ginette Chamberland

Normand Toussaint

226 chemin de la Butte

Saint-Augustin-de-Desmaures, Qc

G3A 1W7

 


 

Conseil local du patrimoine

Municipalité de Saint-Augustin-de-Desmaures

 

 

 

Consultation publique sur la citation patrimoniale

de la maison située au 226 chemin de la Butte

à Saint-Augustin-de-Desmaures

 

  

Mémoire présentée par les propriétaires

Ginette Chamberland et Normand Toussaint

 

22 juillet 2020



Mémoire des propriétaires dans le cadre de la consultation publique sur la citation de la maison située au 226 chemin de la Butte à Saint-Augustin

 

Membres du Conseil local du patrimoine,

Nous avons acquis la propriété située au 226 chemin de la Butte en 1981. Elle est en zone agricole au sens de la loi sur la protection des territoires agricoles du Québec. Depuis 39 ans, nous avons eu le souci de rénover la maison qui était au départ en bien mauvais état, n’avait aucun cachet patrimonial et n’était d’aucun intérêt public pour la collectivité de Saint-Augustin-de-Desmaures.


 

Depuis 39 ans, aucune de nos actions n’a menacé le patrimoine de Saint-Augustin. Au contraire, en rénovant notre maison, nous avons démontré notre intérêt pour l’architecture traditionnelle.

Imaginez notre étonnement lorsque le 18 juin 2020 un huissier nous délivre un avis officiel qui nous informe que la municipalité avait entrepris un processus réglementaire pour nous contraindre dans l’avenir. Si ce règlement est adopté, nous ne bénéficierons plus, comme tous les autres citoyens, de la pleine jouissance libre et paisible de notre propriété privée.

Comme la plupart des membres du Conseil, nous sommes conscients que le Québec a un riche patrimoine. Nous sommes conscients que certains immeubles méritent de recevoir un statut particulier. Mais la question est : Est-ce que notre maison mérite ce statut et surtout, pourquoi maintenant, après 39 ans, nous imposer des règles d’urbanisme supplémentaires?

Merci de nous donner l’opportunité de vous présenter nos commentaires et d’apporter des nouvelles informations qui vous permettront, nous l'espérons, de questionner la pertinence de citer notre maison actuellement. Nous vous rappelons que nous n'avons jamais été invités à collaborer à cette démarche de reconnaissance de notre maison comme un bien patrimonial d’intérêt public, ni à l’étape des inventaires, ni à celle de la recherche ou même de la sensibilisation.

 

1. Les faits

1.1 Travaux d’agrandissement de l’annexe.

Dans la continuité des travaux entrepris depuis 1981, nous avons entamé ce printemps quelques travaux mineurs sur l’annexe qui ne nécessitaient pas de permis de construction. Après avoir pris connaissance de l’état de la structure, nous avons décidé de changer nos plans et de procéder à une rénovation plus importante.

Nous déposons donc une demande de permis de construction le 25 mai 2020.  Notre demande de permis est substantiellement complète et conforme à la réglementation en vigueur. Un plan est joint. Nous recevons la visite du personnel de la municipalité qui nous confirme que le tout est conforme. Ils ajoutent qu’ils nous fourniront quelques conseils et nous font quelques suggestions mineures.

Le 18 juin, nous recevons l’avis spécial en vertu de l’article 129 de la Loi sur le patrimoine culturel qui nous informe de l’intention de la municipalité de procéder à la citation patrimoniale de notre maison familiale.

Le 25 juin, monsieur Després nous envoie une demande de la part du service d’urbanisme concernant notre agrandissement. Cette demande va bien au-delà des exigences du règlement d’urbanisme. Nous vous laissons le soin d’en juger :

Le service d'urbanisme nous demande de fournir : un projet d'implantation plus précis et à l'échelle qui illustre le bâtiment existant, l'agrandissement ainsi que les distances projetées entre l'agrandissement et les limites de la propriété; des plans d'architecture et/ou des esquisses architecturales comprenant minimalement les éléments suivants: des élévations en couleur qui montrent la partie existante et l'agrandissement projeté, l'usage de l'agrandissement (vue en plan), les détails au niveau des portes et fenêtres, des chambranles, du revêtement de toiture, du revêtement extérieur, de la fondation et du support utilisé pour les gouttières ainsi que la pente de toit du bâtiment existant et de l'agrandissement.

Vous comprendrez qu’on nous impose dès lors l’application du règlement de citation. Le courriel est clair. Nous pouvons y lire : ''qu’il s’agit de l'avis de 45 jours prévu à l'article 8 du projet de règlement de citation et que ces documents doivent impérativement être fournis à la Ville avant de passer à la prochaine étape, soit l'évaluation de votre projet par le conseil local du patrimoine.''

Bref, on tente de nous imposer ce règlement avant même son entrée en vigueur légal. Vous n’êtes sans doute pas sans savoir que le règlement de citation de notre maison, s’il est adopté, entrera en vigueur au moment de l’émission de l’avis spécial soit le 18 juin. La loi est claire :

4. Le règlement de citation d’un bien patrimonial entre en vigueur:

   à compter de la date de la notification de l’avis spécial aux propriétaires de l’immeuble patrimonial cité ou aux propriétaires des immeubles situés dans le site patrimonial cité.

Cependant, ce gel ne s’applique pas aux demandes de permis qui ont été déposé avant. Nous vous rappelons que notre demande de permis a été déposée le 25 mai.

La concomitance entre notre demande de rénovation et l’avis de citation de notre maison n’est pas un hasard.

Permettez-nous de constater que c’est une mauvaise réponse à notre demande de permis.

 

1.2 Valeur patrimoniale 

1.2.1 Les éléments

Les éléments qui contribuent à évaluer la valeur patrimoniale d’une maison sont :

-         le style d'architecture,

-   -ses composantes architecturales et ornementales (volumétrie, toit, lucarne, fenêtre, revêtement, matériaux, couleur, usage, annexes),

-         - son authenticité,

-         - son état de conservation,

-         - son histoire,

-        -  son implantation dans le paysage,

-         - son environnement physique.

 

1.2.2 La maison du 226 chemin de la Butte

En 1981, après avoir fait l'achat de notre propriété, nous avons contacté le ministère de la culture chargé de l'évaluation patrimoniale des maisons afin qu'un expert vienne visiter la nôtre et statue sur sa possibilité de classement ou autre. Un expert est effectivement venu nous rencontrer, a examiné la maison, s'est forgé une opinion qu’il nous a livré verbalement. La maison était ''bien belle'' mais dans un état près de la perdition. Aucun intérêt et aucune possibilité de lui accorder une valeur patrimoniale justifiant un statut.

En 1984, un premier inventaire décrit les éléments architecturaux de la maison et lui attribue une valeur patrimoniale très bonne, mais non exceptionnelle, du type franco-québécois du 19e siècle.

En 2017, un deuxième inventaire décrit la même maison, mais cette fois en considérant les travaux que nous avons effectué au cours des ans. La maison est qualifiée d’inspiration française. On lui attribue une valeur patrimoniale exceptionnelle. Mais sur quelle base, pour quels motifs, selon quels critères? L’analyse ne semble pas reposer sur une démarche ethnologique complète. Comment expliquer qu’elle est passé d’un type franco-québécois à un style du régime français?

De plus, il appert qu’aucun personnage historique ou événement marquant ou emblématique de l’histoire de Saint-Augustin ne se rattache à la maison.

Le site ne présente aucune valeur archéologique, ni ethnologique ou technologique.

Les composantes architecturales observés sont clairement issues des travaux de rénovation effectués par les propriétaires depuis 39 ans. Toute la coquille extérieure de la maison de 1981 a été modifiée et agrandie. Tous les matériaux extérieurs de la maison de 1981 et, à plus forte raison, de 1832 ne sont pas d'origine et ont tous été remplacés.

Si l’inventaire de 2017, sur lequel repose les motifs de citation, conclue à une quelconque valeur, elle est le résultat des efforts manuels et financiers des propriétaires actuels.

Permettez-nous de constater que c’est nous qui avons contribué à l’amélioration de son apparence.

 

2. La loi

2.1 Loi du patrimoine culturel

Le principe de cette loi, relativement récente dans sa forme actuelle, est de permettre aux municipalités de reconnaître les éléments patrimoniaux d’intérêt public significatif sur leur territoire local, d'en assurer la protection, de les mettre en valeur et de sensibiliser la population.

''Favoriser la connaissance, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel reflet de l’identité de la collectivité dans une perspective d’intérêt public et de développement durable.''

Le processus d’attribution d’un statut en vertu de la loi sur le patrimoine culturel doit s’inscrire dans une démarche où la municipalité élabore une stratégie visant la conservation et la mise en valeur de son patrimoine.

Avant d’attribuer un statut à une maison en particulier, la municipalité n’a-t-elle pas un devoir de transparence, de collaboration avec les propriétaires?

Chose certaine, la municipalité doit prendre les moyens pour assurer un suivi, prendre les mesures pour sensibiliser les citoyens, et les propriétaires en premier lieu, voire mettre en place un soutien financier.

  

2.2 Règlement municipal

La procédure suivie par la municipalité semble conforme. Mais reflète-t-elle l’esprit de la loi?

Il y a un manque d’information. Une attitude cavalière envers les propriétaires en faisant signifier l’intention de procéder à la citation patrimoniale de la maison en envoyant un huissier.

Les principes derrière le pouvoir réglementaire accordé à la municipalité n’est certes pas une attitude rigide qui édicte des décisions draconiennes en soulevant l’opposition et les réactions négatives des citoyens. Au contraire, la loi vise la sensibilisation, l’information, la connaissance, le développement d’un sentiment d’appartenance.

Par ailleurs, l’application de ce règlement repose sur des critères subjectifs contrairement à la plupart des règlements d’urbanisme. Pour ce faire, la municipalité doit démontrer sa capacité à sensibiliser et à conseiller les propriétaires tant sur les éléments architecturaux, que sur le choix des matières acceptables, sur l’entretien, sur l’élaboration d’un projet. Les documents présentés et les gestes posés dans ce dossier illustrent une faille en ce sens.

Ce pouvoir réglementaire limite la liberté de la propriété privée au nom de l‘intérêt collectif. Il doit être usé de façon diligente.

Nous nous questionnons néanmoins à savoir si tous les critères de la loi sont rencontrés et suffisants, c’est-à-dire : est-ce que l’immeuble a une réelle valeur patrimoniale significative et d’intérêt public et est-ce que la maison est située dans une zone à protéger?

Espérons que l’intention de la municipalité n‘est pas de nous imposer de façon détournée une forme de spot zoning.

 

 

3. Commentaires

3.1 Authenticité et type architectural

Il appert que la maison tel que vous la voyez, n’est pas authentique. C’est le fruit de nos 39 ans de travaux de rénovation. Nous allons réutiliser les mots de l’expert en évaluation du patrimoine en 1981 : Elle est belle, mais elle n’est pas authentique et bien près de la perdition.

De plus, elle n’est pas un exemple du régime français. C’est une maison qui date du régime anglais et qui témoigne d’un style franco-québécois, comme le qualifie l’inventaire de 1984. Comme il y a ailleurs sur le territoire de la municipalité.

Ce n’est sûrement pas non plus un des rares modèles du régime français à Saint-Augustin ou l’une des plus vieilles. Rappelons que Saint-Augustin a été colonisé à partir de 1647 et la maison date de 1832.

 

3.2 Implantation et Paysage

La maison ne fait pas partie du paysage patrimoniale de Saint-Augustin pour la simple et bonne raison qu’elle n’est pas visible de la route.

Comme elle est entourée de constructions modernes hétéroclites, on ne peut lui attribuer une valeur extrinsèque élevée.

Il est difficile de comprendre comment sa localisation sur une ''butte'' pourrait lui valoir une valeur exceptionnelle. Tout comme le fait qu’elle serait située sur une partie du domaine des pauvres, domaine qui s’étendrait du nord de l’autoroute 40 jusqu’au fleuve.

Ainsi, notre maison ne favorise pas la qualité visuelle du patrimoine architecturale de Saint-Augustin.

 

3.3 Intérêt public et sentiment d’appartenance

Le document de présentation ne fait état d’aucun contexte particulier significatif pour la collectivité de Saint-Augustin qui justifie de restreindre les droits de propriété au nom de l’intérêt public.

Aucune référence bibliographique ou iconographique ne témoigne de l’importance de cet immeuble pour la collectivité.

Au contraire, le guide de la municipalité ''Le patrimoine bâti résidentiel,'' publié en 2018, ne fait aucune référence à notre maison. En effet, il n’y a aucune mention de l’authenticité de la maison dans le texte. Aucune photo d’ensemble de la construction ou de l’une de ses composantes architecturales n'illustrent le document. La maison n’est pas citée en exemple et, partant, pas potentiellement candidate à l’obtention d’un statut de protection et de mise en valeur patrimoniale.

 

 

Recommandations

Nous estimons que le règlement de la citation de la maison du 226 chemin de la Butte est prématuré. Il n’y a pas d’urgence. Il n’y a pas menace d’altération de la maison. Nous avons démontré depuis 39 ans notre capacité à mettre en valeur l’architecture traditionnelle. Pour votre information, nous avons déjà été membres de l'Association des Propriétaires de Maison Anciennes du Québec.

Les motifs qui concluent à son adoption sont mal fondés. Le règlement s’appuie sur un inventaire incomplet, voire erroné. Aussi, même le guide sur le patrimoine bâti résidentiel de Saint-Augustin l’ignore. Ce document de sensibilisation au patrimoine local aurait dû reconnaître son potentiel si c’était le cas. Alors, nous réitérons que la démarche de citation du patrimoine n’est pas justifiable. Les conditions ne sont pas remplies.

De plus, il ne s’inscrit pas, comme il devrait, dans une démarche globale de sensibilisation de la population à son patrimoine. Aucune stratégie de préservation et de mise en valeur n’a impliqué et sensibilisé les propriétaires actuels. Les conséquences de la citation pour les propriétaires ne sont pas énoncées, outre les pénalités du non-respect de la réglementation, qui s’appuiera sur l’application d’objectifs subjectifs discrétionnaires, voire arbitraires. Mais qu’en sera-t-il de la valeur de la propriété à sa revente ? Quelles seront les conséquences financières associées aux conditions d’attribution des permis ?

La démarche semble viser un objectif occulte soit de nous empêcher, nous les propriétaires, de faire les travaux à notre propriété privée auxquels nous avons droit en fonction de la réglementation d’urbanisme en vigueur.

Nous nous opposons aussi à l'inclusion du lot 2 814 313 dans le projet de citation. En quoi ce terrain serait-il patrimonial ?

Merci de votre diligence.

 

 

Ginette Chamberland

Normand Toussaint